Autoliquidation de la TVA et transactions intra-UE en France : Règles, Exemples et FAQ

Mis à jour le: Oct 26th, 2025

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Les transactions transfrontalières au sein de l’union européenne posent des défis particuliers en matière de TVA.

Points clés à retenir :

  • L'autoliquidation transfère la responsabilité de la TVA du vendeur à l'acheteur, garantissant ainsi la conformité sans enregistrements de TVA transfrontaliers.
  • Les ventes de biens intra-UE entre entreprises (B2B) sont facturées hors TVA, et les acheteurs doivent autoliquider la TVA en France.
  • Les acheteurs français doivent ainsi déclarer leurs acquisitions intracommunautaires et autoliquider la TVA, rendant l’opération neutre sur le plan de trésorerie lorsque la taxe est intégralement déductible.
  • Pour les prestations de services transfrontalières, la règle de territorialité repose sur le lieu d’établissement du client. En France, cela implique une autoliquidation conformément à l’article 283-2 du Code général des impôts (CGI).
  • Certains secteurs nationaux sensibles à la fraude tels que le bâtiment, les métaux, les télécommunications ou le négoce d’énergie sont également soumis au mécanisme d’autoliquidation afin de limiter les fraudes à la TVA.
  • Depuis 2022, la TVA à l’importation en France est également autoliquidée via la déclaration CA3, ce qui améliore la trésorerie des entreprises.
  • Les factures doivent être émises sans TVA, mentionner les numéros de TVA du vendeur et de l’acheteur, et comporter la mention obligatoire « TVA due par le preneur » ou « Autoliquidation ».
  • Enfin, le mécanisme d’autoliquidation ne s’applique pas aux ventes B2C : le fournisseur reste redevable de la TVA, sauf dans le cadre du guichet unique (OSS ) pour les ventes à distance ou les services numériques.

Qu’est-ce que le mécanisme d’autoliquidation ?

Normalement, lorsqu’une entreprise vend des biens ou des services, elle facture la TVA, la collecte auprès du client et la reverse ensuite à l’administration fiscale. 

Avec le mécanisme d’autoliquidation, ce processus est inversé :

  • Le vendeur émet la facture sans TVA.
  • L’acheteur déclare la TVA due sur sa déclaration comme s’il était à la fois le fournisseur et le client.
  • Si l’acheteur a droit à la déduction de la TVA sur ses achats, il peut la récupérer dans la même déclaration.

Le résultat est souvent « neutre » sur le plan de trésorerie, tout en assurant que la transaction est correctement enregistrée aux fins fiscales.

Pourquoi le mécanisme d’autoliquidation existe-t-il?

Le mécanisme a été introduit pour résoudre deux principaux problèmes :

  1. Le commerce B2B transfrontalier au sein de l’UE : sans autoliquidation, les vendeurs devraient s’enregistrer à la TVA dans chaque pays vers lequel ils exportent, ce qui créerait d’importantes procédures administratives. L’autoliquidation simplifie le processus en faisant en sorte que l’acheteur déclare la TVA dans son propre pays.
  2. Les secteurs domestiques sensibles à la fraude : Certaines industries, comme la construction, le recyclage de métaux ou les télécommunications, ont été exposées à la fraude dite du “missing trader”, où le fournisseur facture la TVA mais disparaît sans la reverser. L’autoliquidation supprime ce maillon faible en transférant la responsabilité de la TVA à l’acheteur. 

Autoliquidation dans les échanges intracommunautaires de biens (B2B )

Lorsque des biens circulent d’un pays de l’Union européenne vers une autre entreprise assujettie à la TVA, le mécanisme d’autoliquidation s’applique.

Exemple : de la France vers l’Allemagne

  • Une entreprise française vend des machines à une société allemande.
  • L’entreprise française émet une facture sans TVA, avec la mention :
    « Exonération de TVA – article 262 ter I du CGI / livraison intracommunautaire. »
  • L’acheteur allemand autoliquide la TVA allemande au taux applicable et la déclare à la fois en TVA collectée et en TVA déductible dans sa déclaration nationale.
  • Les deux entreprises doivent également déclarer l’opération dans leurs déclarations d’échanges de biens ( DEB ou DES ) et déclarations Intrastat respectives.

Du point de vue français, la vente est exonérée de TVA à condition que :

  • L’acheteur dispose d’un numéro de TVA intracommunautaire valide.
  • Les biens sont effectivement transportés hors de France.

Exemple : de l’Italie vers la France

  • Une entreprise italienne vend pour 20 000 € de pièces détachées à un fabricant français.
  • La facture est émise hors taxe, avec mention du numéro de TVA du client français..
  • Le fabricant français déclare les 20 000 € comme « acquisition intracommunautaire » sur sa déclaration de TVA CA3, calculant la TVA française à 20 % ( 4 000 € ) comme taxe en sortie, et déduisant le même montant comme taxe en amont ( si entièrement récupérable ).

Note importante : Si l’acheteur n’est pas assujetti à la TVA ( par exemple un particulier ), le mécanisme d’autoliquidation ne s’applique pas.

Autoliquidation pour les prestations de services transfrontalières ( B2B )

Pour les services, la règle générale de l’Union européenne (article 44 de la directive TVA ) prévoit que la TVA est due dans le pays du preneur.

Ainsi, lorsqu’une entreprise française achète un service auprès d’un prestataire étranger, elle doit autoliquider la TVA française correspondante.

Exemples : 

  • Une entreprise française fait appel à un cabinet de conseil britannique après le Brexit. L’entreprise française autoliquide 20 % de TVA en France, soit 2 000 € sur une facture de 10 000 €.
  • Une société allemande de logiciels fournit des licences SaaS à une entreprise française. Le client français autoliquide la TVA à 20 % et la récupère dans la même déclaration, si elle est entièrement déductible.
  • En France, la législation impose que les factures comportent la mention suivante : « TVA due par le preneur – Article 283-2 du CGI. »

Exceptions:

Certaines prestations de services demeurent soumises à la TVA au lieu où elles sont effectivement réalisées, par exemple : les services de restauration, le transport de passagers ou la location de véhicules de courte durée.

Cependant, la France applique également le mécanisme d’autoliquidation dans de nombreux cas, lorsque le prestataire n’est pas établi en France.

Autoliquidation dans le contexte national français

La France applique également le mécanisme d’autoliquidation de la TVA à certaines opérations réalisées sur son propre territoire. Ces mesures visent à prévenir la fraude à la TVA et à simplifier les obligations fiscales des entreprises concernées.

  • Secteur du bâtiment : depuis 2014, lorsque qu’un sous-traitant ( ex. : maçon, plombier, électricien ) effectue des travaux pour le compte d’un entrepreneur principal assujetti à la TVA, il ne facture pas la TVA. C’est le preneur ( l’entrepreneur principal ) qui doit autoliquider la taxe. Cette règle a été mise en place pour éviter les fraudes, notamment les cas où certains sous-traitants disparaissaient après avoir encaissé la TVA sans la reverser. Ainsi, une petite entreprise du bâtiment travaillant pour un grand promoteur émettra une facture hors taxe ( HT ) avec la mention : « Autoliquidation – Article 283-2 du CGI ». Le promoteur déclare ainsi la TVA correspondante à la fois en taxe collectée et en taxe déductible.
  • Vente de déchets et de métaux ferreux ou non ferreux : la livraison de certains déchets, rebuts et métaux à un acheteur assujetti est également soumise au mécanisme d’autoliquidation.
  • Or d’investissement : les ventes d’or d’investissement peuvent être exonérées de TVA ou, sur option, soumises au régime de l’autoliquidation, notamment lorsque l’opération est réalisée entre commerçants spécialisés.
  • Commerce d’énergie : les livraisons de gaz naturel et d’électricité à un négociant ou consommateur final assujetti à la TVA en France relèvent également du mécanisme d’autoliquidation. Par exemple, dans le cas d’une vente en gros de gaz, c’est l’acheteur qui déclare la TVA, avec la mention sur la facture : « Article 283-2 quinquies du CGI ».
  • Quotas d’émission de gaz à effet de serre : frais inversés ( en raison de cas importants de fraude carrousel dans le passé ).
  • Services de télécommunication : certains services de communication électronique ( notamment les échanges entre opérateurs télécoms ) sont également soumis à l’autoliquidation lorsque le client est assujetti à la TVA en France.

Exemples pratiques d’autoliquidation en France

Voici quelques exemples concrets illustrant les principales situations dans lesquelles l’autoliquidation de la TVA s’applique, selon les différents contextes économiques.

Échanges intracommunautaires de biens ( B2B )

Un commerçant français commande pour 50 000 € de marchandises à un fournisseur espagnol. Le fournisseur vérifie le numéro de TVA intracommunautaire du client via le système VIES, puis émet une facture sans TVA espagnole, précisant qu’il s’agit d’une livraison intracommunautaire. Dans sa prochaine déclaration de TVA ( CA3 ), le commerçant français : déclare 50 000 € d’acquisitions intracommunautaires, calcule la TVA due à 20 %, soit 10 000 € en TVA collectée et déduit simultanément 10 000 € de TVA déductible. Si ce même commerçant revend ensuite les produits sur le marché français, il facturera la TVA française à ses clients comme pour toute autre vente nationale.

Importation de biens depuis un pays tiers ( hors UE )

Supposons que ce même détaillant français achète pour 100 000 $ de marchandises en Chine. Lors de l’importation en France, depuis 2022, les douanes françaises ne perçoivent plus la TVA à l’entrée : celle-ci est désormais autoliquidée sur la déclaration de TVA de l’importateur. Cette TVA à l’importation fonctionne en pratique comme une autoliquidation obligatoire (la France en a fait une obligation ). Le détaillant inscrit la valeur importée et la TVA due dans sa déclaration de TVA (CA3) en se basant souvent sur les informations figurant dans sa déclaration d’importation et dans le relevé mensuel transmis par la douane et la déduit simultanément. Si le détaillant n’est pas assujetti à la TVA, il doit payer la TVA à la douane ; mais s’il l’est, la taxe est autoliquidée.

Prestations de services transfrontalières

Une entreprise française utilise une plateforme SaaS fournie par un prestataire irlandais pour 1 000 € par mois. Le prestataire irlandais ne facture pas de TVA ( application de la règle B2B ). Chaque mois, l’entreprise française déclare 1 000 € dans la catégorie « services reçus de l’étranger » sur sa CA3 et calcule 200 € de TVA ( 20 % ). Elle déduit également 200 €. Si cette entreprise française est partiellement exonérée (par exemple 50 % déductible), elle ne récupérera que 100 €, et supportera donc les 100 € restants comme coût réel le mécanisme d’autoliquidation garantissant que cette partie de la taxe est bien perçue par l’administration fiscale.

Construction intérieure ( autoliquidation domestique )

Un promoteur immobilier français ( assujetti à la TVA ) fait appel à un petit maçon local pour réaliser une partie des fondations d’un immeuble. La facture relative à la main-d’œuvre et aux matériaux s’élève à 10 000 € et, comme il s’agit d’un contrat de sous-traitance avec un donneur d’ordre assujetti à la TVA, le maçon n’applique aucune TVA. Il mentionne sur sa facture : « Autoliquidation – article 283-2 nonies du CGI ». Le promoteur déclare alors 2 000 € de TVA collectée et 2 000 € de TVA déductible dans sa déclaration de TVA (CA3). Ainsi, le maçon n’a pas à collecter ni reverser ces 2 000 €, ce qui simplifie ses obligations. Les administrations fiscales sont également rassurées, car le donneur d’ordre, plus facilement contrôlable, assure correctement la déclaration et le paiement de la TVA correspondante.

Vente intérieure de ferraille ou de déchets métalliques

Une usine française revend des déchets métalliques (chutes de production) à un recycleur de métaux, pour un montant de 5 000 €. Conformément à la législation, les livraisons de déchets ou de métaux recyclables à un revendeur assujetti sont autoliquidées. L’usine émet donc une facture de 5 000 € hors taxe, avec la mention : « Autoliquidation – article 283 du CGI ». Le recycleur déclare la TVA due sur 5 000 € ( soit 1 000 € à 20 %)  dans sa déclaration CA3 et la déduit simultanément, car ces métaux seront réutilisés ou revendus dans le cadre d’une activité taxable. Ce dispositif a permis de supprimer les fraudes à la TVA dans ce secteur, où certains intermédiaires disparaissaient après avoir collecté la TVA sans la reverser.

Autoliquidation et facturation électronique 

Dans le cadre de la réforme de la facturation électronique en France, les factures autoliquidées demeurent des factures électroniques structurées, conformes aux formats UBL, CII ou Factur-X. Les principales différences par rapport à une facture classique avec TVA :

  • Le montant de TVA n’est pas facturé par le fournisseur ( souvent indiqué « 0 » sur la ligne de taxe ).
  • La facture comporte un code fiscal ou une catégorie de taxe indiquant qu’il s’agit d’une autoliquidation, accompagnée d’une mention légale telle que : « Autoliquidation – Reverse charge ».
  • Le fournisseur doit inclure le numéro de TVA de l’acheteur et la référence légale applicable (ex.: livraison intracommunautaire de services, autoliquidation domestique pour certains biens ) doivent impérativement y figurer

La plateforme PDP (Plateforme de Dématérialisation Partenaire) transmet ces indicateurs électroniques afin que le système du client sache qu’il doit autoliquider la TVA. Le flux de e-reporting transmis à l’administration indiquera que la TVA a été autoliquidée et non collectée par le fournisseur.

Conclusion

Le système d’autoliquidation de la TVA en France vise à simplifier les obligations fiscales tout en réduisant les risques de fraude. Au lieu que le fournisseur collecte la TVA, c’est l’acheteur qui la déclare directement dans sa déclaration CA3, à la fois en TVA collectée et en TVA déductible. Ce mécanisme s’applique non seulement aux opérations intracommunautaires, mais aussi à certains secteurs domestiques sensibles, historiquement exposés à la fraude : construction, déchets métalliques, télécommunications, énergie, etc.

Depuis 2022, il s’étend également aux importations, la TVA à l’importation étant désormais autoliquidée sur la déclaration CA3, ce qui améliore la trésorerie des entreprises en supprimant le paiement préalable à la douane. Bien que le mécanisme soit neutre pour les entreprises entièrement déductrices, il garantit une traçabilité complète des opérations et prévient les pertes de recettes fiscales. Pour les secteurs partiellement exonérés, une part de la TVA devient un coût réel.

Frequently Asked Questions

Les fournisseurs étrangers doivent-ils obtenir un numéro de TVA français pour vendre à des clients en France ?

Souvent non. Si tous les clients sont assujettis à la TVA et que le fournisseur ne détient pas de stock en France, l’autoliquidation s’applique. Cependant, il existe des exceptions ( ex. : stockage de marchandises en France ou ventes à des clients non assujettis ).

Comment savoir si je dois autoliquider la TVA en tant qu’acheteur français ?

Si vous recevez une facture sans TVA d’un fournisseur de l’Union européenne, et que vous avez communiqué votre numéro de TVA intracom, vous devez probablement autoliquider la TVA. Toujours vérifier la mention figurant sur la facture et la nature de l’opération.

L’autoliquidation signifie-t-elle qu’aucune TVA n’est payée ?

Pas forcément. Si vous pouvez déduire intégralement la TVA, l’opération est neutre. Mais si vous êtes partiellement exonéré ( ex. : banque, assurance ), une partie de la TVA devient un coût réel.

Que doit contenir une facture en autoliquidation ?

  • Aucun taux ni montant de TVA ;
  • Les numéros de TVA du vendeur et de l’acheteur ( en cas d’opération transfrontalière ) ;
  • Une mention claire de l’autoliquidation, par exemple : « TVA due par le preneur » ou « Autoliquidation ».
L’autoliquidation s’applique-t-elle aux ventes B2C ?

En général non. L’autoliquidation est un mécanisme réservé aux opérations B2B. En général non. L’autoliquidation est un mécanisme réservé aux opérations B2B. Pour les ventes B2C, le fournisseur doit collecter et reverser la TVA lui-même, ou utiliser le guichet unique ( OSS ) pour les services numériques et le commerce en ligne.

Comment sont traitées les opérations triangulaires ?

Le régime de simplification intracommunautaire permet à l’entreprise intermédiaire (souvent française) d’éviter l’immatriculation à la TVA dans le pays du client final. Dans ce cas, c’est le client final qui autoliquide la TVA localement.

Que faire si j’ai facturé de la TVA par erreur au lieu d’autoliquider ?

Il faut émettre un avoir correctif ( facture rectificative ) et refacturer sans TVA. Le client ne peut pas déduire une TVA facturée à tort, donc la correction est obligatoire.

L’autoliquidation s’applique-t-elle aux achats auprès d’un micro-entrepreneur français ?

Les micro-entrepreneurs bénéficient du régime de franchise en base de TVA, ce n’est pas une autoliquidation. L’acheteur ne déclare ni ne déduit de TVA dans ce cas.

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