Les transactions transfrontalières au sein de l’union européenne posent des défis particuliers en matière de TVA.
Points clés à retenir :
- L'autoliquidation transfère la responsabilité de la TVA du vendeur à l'acheteur, garantissant ainsi la conformité sans enregistrements de TVA transfrontaliers.
- Les ventes de biens intra-UE entre entreprises (B2B) sont facturées hors TVA, et les acheteurs doivent autoliquider la TVA en France.
- Les acheteurs français doivent ainsi déclarer leurs acquisitions intracommunautaires et autoliquider la TVA, rendant l’opération neutre sur le plan de trésorerie lorsque la taxe est intégralement déductible.
- Pour les prestations de services transfrontalières, la règle de territorialité repose sur le lieu d’établissement du client. En France, cela implique une autoliquidation conformément à l’article 283-2 du Code général des impôts (CGI).
- Certains secteurs nationaux sensibles à la fraude tels que le bâtiment, les métaux, les télécommunications ou le négoce d’énergie sont également soumis au mécanisme d’autoliquidation afin de limiter les fraudes à la TVA.
- Depuis 2022, la TVA à l’importation en France est également autoliquidée via la déclaration CA3, ce qui améliore la trésorerie des entreprises.
- Les factures doivent être émises sans TVA, mentionner les numéros de TVA du vendeur et de l’acheteur, et comporter la mention obligatoire « TVA due par le preneur » ou « Autoliquidation ».
- Enfin, le mécanisme d’autoliquidation ne s’applique pas aux ventes B2C : le fournisseur reste redevable de la TVA, sauf dans le cadre du guichet unique (OSS ) pour les ventes à distance ou les services numériques.
Normalement, lorsqu’une entreprise vend des biens ou des services, elle facture la TVA, la collecte auprès du client et la reverse ensuite à l’administration fiscale.
Avec le mécanisme d’autoliquidation, ce processus est inversé :
Le résultat est souvent « neutre » sur le plan de trésorerie, tout en assurant que la transaction est correctement enregistrée aux fins fiscales.
Le mécanisme a été introduit pour résoudre deux principaux problèmes :
Lorsque des biens circulent d’un pays de l’Union européenne vers une autre entreprise assujettie à la TVA, le mécanisme d’autoliquidation s’applique.
Exemple : de la France vers l’Allemagne
Du point de vue français, la vente est exonérée de TVA à condition que :
Exemple : de l’Italie vers la France
Note importante : Si l’acheteur n’est pas assujetti à la TVA ( par exemple un particulier ), le mécanisme d’autoliquidation ne s’applique pas.
Pour les services, la règle générale de l’Union européenne (article 44 de la directive TVA ) prévoit que la TVA est due dans le pays du preneur.
Ainsi, lorsqu’une entreprise française achète un service auprès d’un prestataire étranger, elle doit autoliquider la TVA française correspondante.
Exemples :
Exceptions:
Certaines prestations de services demeurent soumises à la TVA au lieu où elles sont effectivement réalisées, par exemple : les services de restauration, le transport de passagers ou la location de véhicules de courte durée.
Cependant, la France applique également le mécanisme d’autoliquidation dans de nombreux cas, lorsque le prestataire n’est pas établi en France.
La France applique également le mécanisme d’autoliquidation de la TVA à certaines opérations réalisées sur son propre territoire. Ces mesures visent à prévenir la fraude à la TVA et à simplifier les obligations fiscales des entreprises concernées.
Voici quelques exemples concrets illustrant les principales situations dans lesquelles l’autoliquidation de la TVA s’applique, selon les différents contextes économiques.
Échanges intracommunautaires de biens ( B2B )
Un commerçant français commande pour 50 000 € de marchandises à un fournisseur espagnol. Le fournisseur vérifie le numéro de TVA intracommunautaire du client via le système VIES, puis émet une facture sans TVA espagnole, précisant qu’il s’agit d’une livraison intracommunautaire. Dans sa prochaine déclaration de TVA ( CA3 ), le commerçant français : déclare 50 000 € d’acquisitions intracommunautaires, calcule la TVA due à 20 %, soit 10 000 € en TVA collectée et déduit simultanément 10 000 € de TVA déductible. Si ce même commerçant revend ensuite les produits sur le marché français, il facturera la TVA française à ses clients comme pour toute autre vente nationale.
Importation de biens depuis un pays tiers ( hors UE )
Supposons que ce même détaillant français achète pour 100 000 $ de marchandises en Chine. Lors de l’importation en France, depuis 2022, les douanes françaises ne perçoivent plus la TVA à l’entrée : celle-ci est désormais autoliquidée sur la déclaration de TVA de l’importateur. Cette TVA à l’importation fonctionne en pratique comme une autoliquidation obligatoire (la France en a fait une obligation ). Le détaillant inscrit la valeur importée et la TVA due dans sa déclaration de TVA (CA3) en se basant souvent sur les informations figurant dans sa déclaration d’importation et dans le relevé mensuel transmis par la douane et la déduit simultanément. Si le détaillant n’est pas assujetti à la TVA, il doit payer la TVA à la douane ; mais s’il l’est, la taxe est autoliquidée.
Prestations de services transfrontalières
Une entreprise française utilise une plateforme SaaS fournie par un prestataire irlandais pour 1 000 € par mois. Le prestataire irlandais ne facture pas de TVA ( application de la règle B2B ). Chaque mois, l’entreprise française déclare 1 000 € dans la catégorie « services reçus de l’étranger » sur sa CA3 et calcule 200 € de TVA ( 20 % ). Elle déduit également 200 €. Si cette entreprise française est partiellement exonérée (par exemple 50 % déductible), elle ne récupérera que 100 €, et supportera donc les 100 € restants comme coût réel le mécanisme d’autoliquidation garantissant que cette partie de la taxe est bien perçue par l’administration fiscale.
Construction intérieure ( autoliquidation domestique )
Un promoteur immobilier français ( assujetti à la TVA ) fait appel à un petit maçon local pour réaliser une partie des fondations d’un immeuble. La facture relative à la main-d’œuvre et aux matériaux s’élève à 10 000 € et, comme il s’agit d’un contrat de sous-traitance avec un donneur d’ordre assujetti à la TVA, le maçon n’applique aucune TVA. Il mentionne sur sa facture : « Autoliquidation – article 283-2 nonies du CGI ». Le promoteur déclare alors 2 000 € de TVA collectée et 2 000 € de TVA déductible dans sa déclaration de TVA (CA3). Ainsi, le maçon n’a pas à collecter ni reverser ces 2 000 €, ce qui simplifie ses obligations. Les administrations fiscales sont également rassurées, car le donneur d’ordre, plus facilement contrôlable, assure correctement la déclaration et le paiement de la TVA correspondante.
Une usine française revend des déchets métalliques (chutes de production) à un recycleur de métaux, pour un montant de 5 000 €. Conformément à la législation, les livraisons de déchets ou de métaux recyclables à un revendeur assujetti sont autoliquidées. L’usine émet donc une facture de 5 000 € hors taxe, avec la mention : « Autoliquidation – article 283 du CGI ». Le recycleur déclare la TVA due sur 5 000 € ( soit 1 000 € à 20 %) dans sa déclaration CA3 et la déduit simultanément, car ces métaux seront réutilisés ou revendus dans le cadre d’une activité taxable. Ce dispositif a permis de supprimer les fraudes à la TVA dans ce secteur, où certains intermédiaires disparaissaient après avoir collecté la TVA sans la reverser.
Dans le cadre de la réforme de la facturation électronique en France, les factures autoliquidées demeurent des factures électroniques structurées, conformes aux formats UBL, CII ou Factur-X. Les principales différences par rapport à une facture classique avec TVA :
La plateforme PDP (Plateforme de Dématérialisation Partenaire) transmet ces indicateurs électroniques afin que le système du client sache qu’il doit autoliquider la TVA. Le flux de e-reporting transmis à l’administration indiquera que la TVA a été autoliquidée et non collectée par le fournisseur.
Le système d’autoliquidation de la TVA en France vise à simplifier les obligations fiscales tout en réduisant les risques de fraude. Au lieu que le fournisseur collecte la TVA, c’est l’acheteur qui la déclare directement dans sa déclaration CA3, à la fois en TVA collectée et en TVA déductible. Ce mécanisme s’applique non seulement aux opérations intracommunautaires, mais aussi à certains secteurs domestiques sensibles, historiquement exposés à la fraude : construction, déchets métalliques, télécommunications, énergie, etc.
Depuis 2022, il s’étend également aux importations, la TVA à l’importation étant désormais autoliquidée sur la déclaration CA3, ce qui améliore la trésorerie des entreprises en supprimant le paiement préalable à la douane. Bien que le mécanisme soit neutre pour les entreprises entièrement déductrices, il garantit une traçabilité complète des opérations et prévient les pertes de recettes fiscales. Pour les secteurs partiellement exonérés, une part de la TVA devient un coût réel.